French Divide : 2000 km à travers la France par les chemins de traverse

Vous connaissez la Tour Divide, cette course folle de plus de 4000 kilomètres traversant les Etats-Unis du nord au sud par les pistes sauvages des Montagnes Rocheuses ? Vous serez heureux d’apprendre qu’elle compte désormais une petite sœur de ce côté-ci de l’Atlantique. Son nom : la French Divide, une aventure sur deux roues à travers la France qui partage le même caractère bien trempé que son aînée d’Amérique. Départ le 6 août de la frontière belge pour plus de 2000 km de petites routes et de chemins, en autonomie complète, jusqu’aux portes de l’Espagne. Découvrez également l’interview d’Alex, l’un des 50 pré-sélectionnés de l’épreuve.

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French Divide
Distance : 2100 km
Dénivelé positif : 27 000 mètres
Départ : Bray-Dunes (59)
Arrivée : Biarritz (64)
Nombre de participants : 50
Délai max : 15 jours
Tarif : environ 200 euros.

C’est l’histoire d’un défi entre potes qui a pris une ampleur inattendue. Après deux participations couronnées de succès (11e et 15e) à la déjà mythique Transcontinental Race (TCR), le Lillois Samuel Becuwe se cherche un nouveau challenge pour 2016. La TransAm lui trotte dans la tête, mais le budget lui fait défaut. Alors il repense à un road trip à VTT effectué en avril 2015 dans le cadre de sa prépa. Une aventure sauvage entre la frontière belge et Cahors via les GR de Saint-Jacques-de-Compostelle. « J’avais adoré les paysages et les rencontres avec la faune comme la fois où j’ai croisé trois renardeaux en pleine forêt. » Le cycliste au long cours partage ses souvenirs avec son ami Lionel Gardebien. Dans l’esprit des deux hommes l’idée d’une traversée de la France par les chemins de traverse commence à germer. Le nom de code du projet : ” UltraCX Diagonal “. « On en a parlé à nos amis via les réseaux sociaux pour savoir si une ou deux personnes seraient également intéressées. »
La suite va les surprendre. L’enthousiasme est immédiat. Ce qui n’était qu’un challenge confidentiel prend la forme d’un événement à part entière. Face à la demande, une phase de présélection est mise en oeuvre. Les 50 places disponibles s’arrachent en moins d’une heure. Pas moins de sept nationalités sont représentées. Samuel et Lionel n’ont d’autre choix que de troquer leur casquette de coureur contre celle d’organisateur. « Au moins, nous sommes libres de créer à notre façon la course qui nous plaît », se réconforte Samuel.

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i Photos ©Samuel Becuwe/French Divide

 L’idée est de couper la France en deux dans la diagonale en empruntant essentiellement des chemins

Le souhait des deux amis : proposer une épreuve à leur image en s’inspirant du succès récent des grandes épreuves transnationales et notamment de la Tour Divide qui, en une poignée d’années, s’est façonné une légende en terre américaine. Le duo est déterminé à renouer avec l’authenticité des pionniers et d’aucun diront avec une certaine forme de romantisme mettant en scène l’homme et sa machine seuls au coeur de la nature. « L’idée est de couper la France en deux dans la diagonale en empruntant essentiellement des chemins, mais en évitant des zones trop techniques ainsi que du portage. Il faut que ça passe en vélo full rigide. Puis, il y a la notion d’autonomie totale : la seule aide autorisée sera celle trouvée sur la route (magasins, restaurants, hôtels). Pour le reste ce sera un format simple : un départ, une arrivée et des checkpoints qui ne sont là que pour faire le classement intermédiaire », détaille Samuel.

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Photos ©Samuel Becuwe/French Divide

Notre objectif, c’est d’atteindre 70 % de gravel

Un premier parcours est ébauché. Plus de 2000 kilomètres et 27 000 mètres d+ entre la frontière belge et les Pyrénées avec 50 % de chemins. « C’est une trace temporaire que nous ferons évoluer selon les retours des locaux et les recos définitives d’avril/mai. Des personnes de toute la France, amateurs comme moniteurs cyclistes français (MCF) se sont proposées pour tester des bouts de parcours. Notre objectif, c’est d’atteindre 70 % de gravel. »

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Photo ©Olivier Godin/Col du Tourmalet

Le final dans les Pyrénées sera très rigoureux avec notamment un passage par le Tourmalet

Et l’itinéraire promet d’être épique avec une difficulté de taille dès les premiers tours de pédales. « Dès le début, le parcours empruntera en sens inverse un secteur pavé de 20 kilomètres du Paris-Roubaix avec au menu la fameuse Trouée d’Arenberg. Mais les choses sérieuses commenceront à hauteur du Massif central. Le final dans les Pyrénées sera très rigoureux avec notamment un passage par le Tourmalet qui fera office de point de contrôle. »
La trace GPX sera fournie en juin aux concurrents qui devront disposer de leur propre GPS pour s’orienter. Chacun devra également être en possession d’une balise de type Spot. Le délai maximum pour atteindre l’arrivée a été fixé à 15 jours. « Au-delà, il n’y aura plus personne à l’arrivée pour vous accueillir. Quant au premier, je pense qu’il mettra environ 8 jours, car faire plus de 250 kilomètres par jour en VTT, c’est comme en faire 400 sur la route ! »

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Photos ©Samuel Becuwe/French Divide

Un VTT full rigide est aussi un choix intéressant sauf sur les 500 premiers kilomètres

Reste à déterminer la monture idéale pour entreprendre un tel périple. Route, gravel, VTT ? « Le route, tu oublies direct ! Si tu la joues perf’ et que tu as un bon niveau technique, le CX (NDLR : cyclo cross) peut être un bon choix, mais il ne faudra pas être trop fatigué dans les Pyrénées. Un VTT full rigide est aussi un choix intéressant sauf sur les 500 premiers kilomètres plus roulants. Sinon pour le confort, un Fat, mais dans ce cas il sera difficile de respecter les délais ! » analyse Samuel.

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Photo ©Samuel Becuwe/French Divide

Les personnes en liste d’attente prendront sûrement le départ

L’aventure vous tente ? Il reste encore une trentaine de places sur liste d’attente. « Nous pensons perdre environ 30% des inscrits avant le jour J. Alors, les personnes en liste d’attente prendront sûrement le départ. En comparaison, sur la TCR 2015, il y avait 200 pré-inscrits et 200 sur liste d’attente et finalement seulement 186 participants au départ. »
Montant de l’inscription, environ 200 euros. « Nous travaillons pour réduire au maximum les frais notamment ceux de la balise GPS. Certains me demandent pourquoi cela revient si cher alors qu’il n’y a pas de ravito. Mais si l’on compte les frais de déplacement des véhicules et des bénévoles lors de la courses, ça chiffre vite… »
Perso, j’aurais volontiers signé pour une expérience pareille, mais d’autres aventures vélocipédiques m’attendent cet été (je vous en parle bientôt). Heureusement, la famille sera représentée sur cette première édition grâce à mon frangin (voir ci-dessous). L’honneur est sauf !

Plus d’infos :
Facebook : www.facebook.com/frenchdivide/
Facebook > événement : www.facebook.com/events/897490713637314/
Instagram : www.instagram.com/frenchdivide/

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“L’ultra remet souvent l’humain à sa juste place”

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Photo ©Alexandre Godin

Alexandre Godin, 30 ans, premier Français à avoir triomphé des 7000 kilomètres de la TransAm figure parmi les 50 pré-inscrits de la French Divide. Voyageur au long cours, adepte des longues distances sur deux roues, passionné d’aventure et de grands espaces (c’est de famille !), il nous parle de sa future participation à cette course exceptionnelle.

VascoMag : Après la TransAm, ton choix se porte sur cette nouvelle épreuve française alternant routes et chemins. Qu’est-ce qui a motivé ta décision ?
Alexandre : Pour moi, cette épreuve est taillée sur mesure, on évite la galère du vélo dans l’avion, la logistique est beaucoup plus simple. C’est également une très belle façon de voir notre pays sous un autre jour et comme tu le dis dans ton bouquin, l’aventure se trouve aussi bien Sur le pas de ma porte qu’à l’autre bout du monde. Le fait de mélanger route et chemin est une expérience nouvelle et originale qui correspond à ma pratique du vélo.

Ce type de course ne se joue pas sur de la vitesse pure

VascoMag : Sur ce type d’épreuve avec un tracé mixte route et chemin, le choix du vélo est cornélien. Quel type de monture as-tu retenu ?
Alexandre : J’ai orienté mon choix vers un VTT semi rigide avec des roues de 29 pouces. Certes, c’est un vélo qui sera plus lourd qu’un cyclo cross ou un gravel bike, mais d’après ce que j’ai vu le parcours est composé de 50% de chemin et cela va peut-être évoluer jusqu’à 70%. Le confort de la suspension avant (que je bloquerai sur les parties bitumées) devrait préserver mes mains, mes bras et mon cou qui sont pour moi les points les plus sensibles sur de l’ultra distance. Les roues de 29 me permettront d’avoir un bon rendement sur la route et un grand choix de pneumatiques. Un VTT peut être très polyvalent, robuste et offre une position plus détendue. Ce type de course ne se joue pas sur de la vitesse pure et il y a, souvent, presque 50% d’abandon, mon but premier est d’éviter les blessures et les pépins mécaniques pour terminer la course dans de bonnes conditions.

Photo ©Alexandre Godin

VascoMag : De même, l’exigence d’autonomie implique de ne rien laisser au hasard côté équipement. As-tu trouvé le compromis idéal entre confort et légèreté ?
Alexandre : Je ne sais pas si le compromis idéal existe ! Sur ce type de course le confort passe de toute façon aux oubliettes. Sur la TransAm, j’étais parti avec des sacoches cavalières, mais ce coup-ci je pense utiliser des sacoches de cadre et de selle. Les sacoches cavalières ont l’avantage de placer le poids relativement bas et cela procure une bonne stabilité, mais je ne pense pas que ce soit adapté aux vibrations du vélo dans les chemin et je veux réduire le risque de casse de fixation.

Je suis prêt à traîner quelques grammes de plus si cela me permet de finir la course

Les sacoches de cadre sont plus légères et plus aérodynamiques, elles suffisent à emporter le peu d’équipement nécessaire. J’aurai aussi une selle SMP, relativement lourde, mais confortable et surtout testée sur 7000 kilomètres cet été. Je prendrai des pedales mixtes SPD qui me permettent d’avoir des chaussures confortables et de pouvoir marcher quand je descends du vélo, en cas de frottement au pied je peux toujours continuer de pédaler sur le côté plat sans chaussures. On sous-estime souvent les blessures aux pieds sur les courses de vélo, mais elles ont une importance capitale sur les longues distances. En gros, je suis prêt à traîner quelques grammes de plus si cela me permet de finir la course.

VascoMag : Hôtel ou bivouac ? Cette question sera certainement au centre des préoccupations des concurrents. Quelle est ta position à ce sujet ?
Alexandre : Comme pour le reste, j’imagine qu’il faut un subtil mélange des deux. Je pense partir avec un petit abri type Bivy qui me permettra de dormir dans toutes les conditions et qui est rapide à installer, il a aussi l’avantage d’être léger. J’espère trouver de temps en temps dans les villages traversés des auberges ou chambres d’hôtes pour faire une bonne nuit, me laver et nettoyer mes vêtements. On perd du temps en général en dormant à l’hôtel, mais on gagne beaucoup en qualité de sommeil. Pour moi, il est nécéssaire d’alterner les deux, c’est également très bon pour le moral ! Je m’arrêterai quand le logement se trouvera au bon endroit et au bon moment sinon je dormirai dehors.

Photo ©Alexandre Godin

VascoMag : As-tu déjà réfléchi à la stratégie que tu comptes adopter durant la course ? (temps sur la route/temps de sommeil, alimentation…)
Alexandre : Je n’ai pas vraiment de stratégie, je fonctionne beaucoup au feeling. Nous sommes tous différents, mais je sais que pour moi c’est important de garder le rythme jour/nuit. J’ai du mal à dormir seulement quelques minutes de temps en temps. J’envisage de faire des nuits de 5 ou 6 heures et de limiter au maximum le temps passé sur le vélo de nuit. Mon but est d’éviter de dépasser le seuil de “grande fatigue” qui est dangereux et contre-productif. Le manque de sommeil entraîne une grande perte de concentration et de vigilance et cela peut s’avérer très dangereux, surtout s’il y a du trafic. Si on se fatigue trop, le mental ne va pas bien non plus et alors c’est la catastrophe. Ce seuil est propre à chacun et seules l’expérience et une bonne connaissance de soi peuvent nous en faire prendre connaissance.

Je n’ai pas beaucoup de graisse en réserve donc je vais augmenter le nombre de repas et manger gras et calorique pour ne pas trop maigrir

En ce qui concerne l’alimentation, je pense me nourrir principalement dans les boulangeries. C’est rapide et pratique, on peut emmener des sandwichs en réserve et trouver des petites douceurs pour se remonter le moral ! Je suis un petit gabarit et je n’ai pas beaucoup de graisse en réserve donc je vais augmenter le nombre de repas et manger gras et calorique pour ne pas trop maigrir. Ces changements provoquent quelques perturbations au niveau digestif, mais après quelques jours on s’y habitue. Bien sûr, dès que l’occasion se présentera je ferai un bon repas chaud dans un restaurant de bord de route.

Photo ©Alexandre Godin

VascoMag : Cette épreuve par ses mensurations et son profil est un peu à part. Pour toi est-ce seulement une course ou plutôt une aventure voire un voyage ?
Alexandre : Pour moi cette épreuve est avant tout une aventure. Nous sommes confrontés à chaque instant à l’inconnu et nous devons sans cesse faire des choix qui ont un impact direct sur notre survie et sur nos chance d’arriver au bout. Le fait que ce soit une course ajoute une dimension supplémentaire que j’apprécie beaucoup car elle nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes et nous transporte dans un autre monde. Pour moi, le résultat n’est pas très important, ce qui compte est de faire du mieux que je peux en fonction de mes capacités et bien sûr de prendre du plaisir et d’arriver au bout.

Sur ce type d’épreuve, les notions de temps et de distance perdent toute leur consistance au bout de quelques jours

Je vois cette course comme une sorte d’aventure solitaire à plusieurs. Chacun vivra une aventure très différente et pourtant nous aurons tous fait globalement la même chose. La notion de voyage est également présente, mais pour moi il s’agit plus d’un voyage intérieur que d’un voyage dans l’espace. Sur ce type d’épreuve, les notions de temps et de distance perdent toute leur consistance au bout de quelques jours et on commence alors à vivre beaucoup dans sa tête, on réfléchit, on évolue, on s’adapte et à la fin on se rend compte que le voyage intérieur a été bien plus long que le voyage physique.

VascoMag : N’est-ce pas d’ailleurs un peu frustrant d’être toujours guidé par les exigences du chrono ?
Alexandre : Je ne trouve pas cela spécialement frustrant car nous sommes engagés sur cette épreuve en connaissance de cause et au contraire le chrono est plus une source de motivation. Il nous pousse à aller au bout de nous-mêmes et nous fait vivre l’aventure différemment. Il s’agit bien ici d’une course et pas de cyclotourisme, nous sommes là pour être rapides et c’est cela notre source de plaisir.

Photo ©Alexandre Godin

VascoMag : Sur la TransAm, tu as souvent pédalé aux côtés d’autres concurrents. Comptes-tu à nouveau partager un bout de chemin avec d’autres participants ?
Alexandre : J’ai effectivement partagé beaucoup de moments sur la TransAm qui resteront des souvenirs gravés à jamais et j’espère avoir l’opportunité de faire la même chose sur la French Divide. Cependant, on ne peut rien prévoir car les rencontres sont très aléatoires et on ne trouve pas forcément quelqu’un qui roule au même rythme que soi. Sur la TransAm, j’ai beaucoup apprécié le fait de partager des petits instants comme un repas ou alors seulement quelques kilomètres puis de se sentir libre de continuer ensuite à son rythme, sans aucune pression ou obligation d’attendre quelqu’un.

VascoMag : Quel tronçon crains-tu le plus et au contraire quel est celui que tu attends avec impatience ?
Alexandre : Je ne me suis pas encore vraiment penché sur le parcours, mais de manière globale je n’aime pas trop le plat sur la route et par contre j’affectionne beaucoup les chemins de montagne. Je crois que le premier tronçon sera le plus dur pour moi et que la partie dans les Pyrénées sera le point fort de l’aventure.

Photo ©Alexandre Godin

VascoMag : Quelles sont tes ambitions chronométriques et quels sont tes atouts pour relever ce défi ?
Alexandre : Ma seule ambition est d’arriver au bout de la course avant les 15 jours imposés, en faisant de mon mieux et si possible sans me blesser. Il y a tellement de critères à prendre en compte que pour l’instant, je préfère ne pas me prononcer. Peut-être qu’en étudiant le parcours, j’y verrai plus clair.
Mon principal atout est certainement d’avoir participé à la TransAm l’été dernier et donc d’avoir une expérience sur ce type de course. J’ai également pas mal pratiqué le cyclotourisme. On peut prendre en compte aussi le fait que j’habite dans les Alpes et que je pratique aussi bien la route que le VTT, je suis donc à l’aise avec le dénivelé et avec tous les types de terrains.

Nous avons la chance d’être parmi les pionniers de cette discipline alors soyons fiers et profitons-en !

VascoMag : Une dernière chose à ajouter ?
Alexandre : Je voulais remercier Samuel de s’être lancé dans l’organisation de cette course folle et tous les participants qui font que l’aventure est possible. Je suis très content que l’ultra se développe car il est vecteur de très belles valeurs et il remet souvent l’humain à sa juste place. Nous avons la chance d’être parmi les pionniers de cette discipline alors soyons fiers et profitons-en !


Pour savourer une belle tranche d’ultra cyclisme à la sauce américaine et plein d’autres belles histoires de vélo, foncez découvrir le numéro 7 du magazine 200 disponible en kiosque sous peu. Alex y raconte son épopée sur la TransAm.

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