La Croix-Rousse en 3000 marches

13 escaliers redoutables pour prendre la ville côté montagne.

Des marches en guise de rochers, des escaliers pour remplacer les sentiers d’altitude. C’est avec cette formule que Lyon est devenue en moins d’une décennie la capitale incontestée du trail à la sauce citadine. Avec ses deux collines emblématiques, Croix-Rousse et Fourvière, la ville dispose d’un terrain de jeu unique en son genre. Chaque année à l’occasion du LyonUrbanTrail et de sa récente déclinaison By Night du mois de novembre des milliers de concurrents viennent se mesurer aux redoutables escaliers de la cité dont les plus imposants dépassent les 500 marches. En dehors de ces grands rendez-vous, ces coupe-jarrets permettent aux coureurs locaux, dont je suis, de préparer leurs cuisses à affronter des reliefs escarpés. Envie vous aussi de renouer avec la rigueur des chemins des cimes sans quitter le centre-ville ? Voici une sélection personnelle et non exhaustive de 13 escaliers qui dévalent les pentes de la Croix-Rousse (article sur Fourvière à venir) en plus de 3000 marches. Des monuments à part entière que je vous propose de découvrir à la cool ou en crachant vos poumons au fil d’un itinéraire de 8 km et 300 m d+ qui effectue le tour du quartier. Si on vous a toujours interdit de courir dans les escaliers, vous tenez votre revanche !

Ces escaliers, ce sont les veines de la Croix-Rousse, des raidards en pleine ville exigeants comme des sentiers d’altitude. Pour emprunter ces marches où se mêlent les légendes et l’histoire du quartier, il faut avoir le souffle du montagnard et le regard de l’explorateur.

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Rue Josephin Soulary

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La marche à suivre

Le Gros-Caillou, c’est un peu des Alpes charrié jusqu’à Lyon par les glaciers. Un morceau de montagne parvenu jusqu’à la ville. On ne pouvait rêver meilleur symbole pour débuter ce parcours qui rend hommage à la verticalité de la Croix-Rousse. Rendez-vous donc au pied du célèbre rocher, puis laissez-vous glisser jusqu’à la rue de Belfort. Engagez-vous dans la deuxième voie à droite, vous voici dans la mythique rue Josephin Soulary.

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[box title=”Rue Josephin Soulary” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : rue de Belfort
Point bas : place Adrien Godien
Nombre de marches : 440
Le + : le plus mythique des escaliers du quartier
Difficulté : 9/10[/box]
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A la Croix-Rousse, cet escalier qui plonge sur le Rhône détient le record du nombre de marches. De là à lui décerner la palme du casse-patte le plus destructeur de la colline, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchirait sans doute volontiers. Au risque de froisser les puristes, nous emprunterons aujourd’hui ce morceau de choix à la descente (si vous tenez à tout prix à vous mesurer à la bête en montée, il ne tient qu’à vous d’effectuer le parcours dans l’autre sens.) Après une première section rectiligne entre deux murs recouverts de tags colorés, le boyau forme un coude et poursuit sa course à l’ombre de façades plus élevées. Lierre, glycine, la végétation déborde des propriétés voisines qu’on devine à la faveur de portes dérobées. Sur ce tronçon, les marches sont larges et moyennement élevées. Toutefois, pour préserver vos articulations encore froides, privilégiez la rigole en ciment, parallèle à l’escalier. L’affaire se corse dans la dernière partie qui offre une vue dégagée sur le parc de la Tête d’Or et la cité internationale. Le caniveau disparaît et l’escalier devient nettement plus abrupt. Les pieds trouvent plus difficilement leur place sur des marches resserrées. Avant de vous engager, n’oubliez pas de présenter vos respects au sieur Josephin, poète du XIXqui résida en ces lieux, et qui veille toujours discrètement sur la pente à hauteur du numéro 31.

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Demandez à un coureur du cru de vous citer un escalier au hasard et il vous répondra Soulary. Ce monument a le caractère bien trempé de ceux qu’on admire parcequ’ils savent se montrer stricts.

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Montée Rater

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La marche à suivre

Tournez à droite sur le cours d’Herbouville, puis accélérez sur 500 mètres environ, avant de bifurquer à nouveau à droite sur la montée Rater.

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[box title=”Montée Rater” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : rue Justin Godard
Point bas : cours d’Herbouville
Nombre de marches : 222 (97+125)
Le + : panorama sur les ponts du Rhône
Difficulté : 5/10[/box]
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Après Soulary, cet escalier discret risque de vous paraître un peu fade. Sa partie inférieure engoncées entre de hauts immeubles et un mur de soutènement en béton est effectivement loin de déborder de charme. Mais la suite réserve quelques bonnes surprises. Après avoir avalé les premières marches à bonne allure, ne manquez pas la curiosité des lieux sur le palier intermédiaire : une fontaine couverte, ornée d’une tête d’âne. Récupérez en trottinant dans les lacets de la montée Bonafous et empruntez, à droite dans le virage, le passage des Gloriettes, dont l’accès est limité par une barrière automatique. Levez les yeux, un escalier métallique vous fait face. Il mène au second tronçon de la montée Rater, beaucoup plus digne d’intérêt. Cette portion qui s’élève régulièrement le long du mur d’une propriété privée offre un angle du vue sur la ville particulièrement spectaculaire A mi-pente, retournez-vous et embrassez d’un regard six ponts du Rhône en enfilade. Vous avez entrepris d’effectuer le parcours en mode bourrin ? Tentez de franchir les larges marches de cette section deux par deux sans flancher.

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La Croix-Rousse réserve son lot de chemins cachés, de singles secrets. Vous les dénichez un jour par hasard et c’est toute la ville qui se dévoile sous un angle nouveau.

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Montée du Boulevard

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La marche à suivre

Continuez à grimper dans la rue Justin Godart et empruntez la deuxième à gauche : la rue Célu. Au bout, prenez à gauche sur la montée du Boulevard.

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[box title=”Montée du Boulevard” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : place Bellevue
Point bas : rue Bonafous
Nombre de marches : 290
Le + : un passage sauvage près du fort St Laurent
Difficulté : 7/10[/box]
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Ce passage discret avec ses murs recouverts de lierre, de ronces et de vigne vierge compte parmi les plus sauvages de cette sélection. De quoi se croire le temps d’une descente en pleine jungle urbaine. Surplombé par l’impressionnant mur d’enceinte du fort Saint-Laurent, ce couloir tortueux permet également de toucher du doigt un pan de l’histoire du quartier. Au XVIe siècle, Lyon est un ville frontière. Pour protéger la cité, un rempart de deux kilomètres de long est édifié entre le Rhône et la Saône, à l’emplacement actuel du boulevard de la Croix-Rousse. La muraille compte neuf places fortes. Le fort Saint-Laurent est l’un d’eux. Le bâtiment prendra l’apparence qu’on lui connaît dans les années 1830-40 dans le cadre de l’aménagement de la première ceinture défensive de Lyon. Plus récemment, le fort a abrité la direction du Service de Santé de l’Armée de Terre. Depuis son départ en 2014, le site est privé d’affectation.
Sur le plan sportif, attention à la descente ! Les virages sont serrés et les marches souvent inégales. Pas facile de trouver la bonne cadence. A la montée, c’est du costaud, mais quelques paliers intermédiaires et un tronçon central moins abrupt permettent de souffler un peu.

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Ce quartier est un musée à ciel ouvert. Un musée où rien n’est figé, où les époques se superposent dans chaque ruelle. Pour qui sait ouvrir les yeux, chaque promenade est un voyage dans le temps.

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Montée Coquillat+rue Magneval

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La marche à suivre

Poursuivez votre descente dans la rue Bonafous, puis bifurquez à droite sur la place Louis Chazette, récemment rénovée. La terrible montée Coquillat débute à une cinquantaine de mètres sur votre droite. Au sommet, tracez tout droit pour enchaîner jusqu’à la place Bellevue avec les marches de la rue Magneval.

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[box title=”Montée Coquillat+rue Magneval” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : place Chazette
Point bas : place Bellevue
Nombre de marches : 306 (193+113)
Le + : le raidard le plus hard de la colline
Difficulté : 9/10[/box]
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Autant vous le dire tout de suite cette montée est un monstre. Selon moi, il s’agit de l’escalier le plus exigeant de la Croix-Rousse devant Soulary. Un conseil, lancez-vous tête baissée sans regarder le sommet, au risque de ralentir considérablement la cadence ou même, sacrilège, de vous mettre à marcher. L’ascension débute par un raidillon vertigineux coincé entre deux hauts immeubles. Les marches sont hautes, étroites et particulièrement inégales. De quoi vous chauffer les cuisses à blanc. Si par hasard vous risquez vos semelles par ici en descente, prenez garde à ne pas vous emmêler les pinceaux. Chute interdite !
Un petit porche, orné d’un pieuvre menaçante, marque la fin de ce premier tronçon escarpé. Deux volées de marches moins abruptes mènent à la rue des Fantasques. A la hauteur des terrasses et des cheminées, soufflez un instant en profitant du panorama sur le Rhône et le pont de Lattre de Tassigny. Votre calvaire n’est pas terminé. Reste à gravir, le long des arches du mur de soutènement de la place Bellevue, les marches de la rue Magneval. Si vous êtes à bloc depuis le début, l’acide lactique achève de vous figer ce qui vous reste de quadris. En haut, les plus lucides pourront contempler le panorama et l’entrée du fort Saint-Laurent.

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Coquillat, c’est l’archétype de la brute épaisse, celle qui frappe sans discuter et qu’on ne défie jamais impunément.

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Rue Adamoli+rue Alsace-Lorraine

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La marche à suivre

Quittez la place Bellevue en empruntant la rue Bodin sur votre gauche. Descendez en pente douce jusqu’à croiser les escaliers de la rue Grognard. Dévalez la volée de marches à gauche (celles-ci, on ne les compte pas, c’est cadeau ! ), puis retrouvez la rue Magneval, sur votre droite. Longez l’espace vert puis, traversez la route pour tomber sur les escaliers de la rue Adamoli. En bas, poursuivez votre cavalcade de l’autre côté de la rue des Fantasques sur les marches qui plongent vers l’école Michel Servet et la rue Alsace-Lorraine.

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[box title=”Montée Alsace-Lorraine+rue Adamoli” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : rue Magneval
Point bas : rue Alsace Lorraine
Nombre de marches : 268 (175+93)
Le + : sous la surface, le ventre de Lyon
Difficulté : 7/10[/box]
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A la verticale sous vos pieds passe le tunnel routier de la Croix-Rousse. Mais un autre univers souterrain beaucoup plus secret s’étend également en direction du Rhône à quelques mètres de la surface : le réseau mystérieux des arêtes de poisson. A l’angle des escaliers de la courte rue Adamoli, une porte donnerait accès à ce monde caché qui offre à rêver aux férus d’histoire et aux explorateurs urbains. Ici, le sous-sol a des allures de gruyère. A tel point qu’en 1963, un immeuble s’est effondré partiellement sur la zone. Le mur de soutènement en béton qui fait la particularité des lieux a été édifié en réponse à cette catastrophe.
A la descente, pas de difficulté dans cet escalier droit et régulier. De l’autre côté de la rue des Fantasques, cinq volées de marches s’enchaînent en lacets serrés. Aidez-vous de la rampe pour passer les virages à angle droit. Attention à ne pas glisser sur les feuilles mortes qui s’accumulent à l’automne contre les marches. En sens inverse, gardez-en sous la semelle dans ce tronçon exigeant pour pouvoir négocier la suite sereinement.
Arboré et étriqué, le passage débouche sur l’imposant bâtiment type 1900 de l’école Michel Servet, accolé à la pente. Maitrisez votre vitesse ici, les enfants empruntent l’allée pour rejoindre leur cour de récréation.

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Un monde secret, invisible à quelques mètres sous vos pieds. Qu’y a-t-il comme meilleure promesse pour réveiller votre âme d’enfant qu’une histoire de trésor et de souterrain ?

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Passage Thiaffait+rue Pouteau

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La marche à suivre

Poursuivez votre route à droite sur la rue Alsace-Lorraine. Au bout de la voie, bifurquez deux fois de suite à droite jusqu’au pied de la montée StSébastien. Tournez alors à gauche dans la rue Leynaud. Après l’église StPolycarpe, qui porte encore les stigmates du siège de 1793, — en réponse au soulèvement de Lyon, la Convention fit tirer au canon sur la Croix-Rousse depuis les Brotteaux — pénétrez sous le porche monumental du passage Thiaffait. Continuez ensuite l’ascension de la colline par les étages de la rue Pouteau.

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[box title=”Passage Thiaffait+rue Pouteau” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : rue Say
Point bas : rue Leynaud
Nombre de marches : 250
Le + : incursion dans un ancien coupe-gorge
Difficulté : 6/10[/box]
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Un coupe-gorge, un repère de bandits de tout poil, un haut lieu du crime lyonnais… Dans les années 1980, la réputation sulfureuse du passage Thiaffait engageait peu le touriste de passage à s’aventurer dans cette traboule à l’architecture pourtant remarquable. Rassurez-vous, la situation a bien changé. Si vous gravissez quatre à quatre l’escalier à double entrée qui caractérise les lieux, ce sera de votre propre initiative. A la fin des années 1990, cette alcôve urbaine tenue à l’écart de la circulation a été réhabilitée et abrite désormais une pépinière d’entreprises dédiées à la mode, à la déco et au design. Le site désormais très tendance a retrouvé son cachet et sa quiétude.
A la sortie du passage, continuez tout droit sur la rue Pouteau. Cette voie qui dégringole les pentes est composée de sections goudronnées ouvertes à la circulation et de deux tronçons en escaliers, larges et assez raides. Serrez les dents et tentez d’avalez les marches deux par deux. Au sommet, retournez-vous pour apprécier la vue sur la presqu’île. La fresque colorée qui orne les garages à l’angle de la rue Lemot mérite également le coup d’oeil.

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Pour qu’une histoire soit bonne, il faut soigner les méchants. Dans ce passage, s’ils ont un jour existé, ils ne sont plus qu’un lointain souvenir qu’on ravive pour jouer à se faire peur.

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Montée de la Grande-Côte

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La marche à suivre

Prenez à gauche sur la rue Jean-Baptiste Say, puis à nouveau à gauche sur l’esplanade de la montée de la Grande-Côte.

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[box title=”Montée de la Grande Côte” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : rue Say
Point bas : rue Neyret
Nombre de marches : 145
Le + : le panorama le plus féérique de Lyon
Difficulté : 4/10[/box]
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Elle incarne à elle seule tout l’esprit des pentes, ses traditions, sa culture et même son parler à part. Axe naturel de communication entre la presqu’île et le plateau depuis la préhistoire, la montée de la Grande Côte a toujours occupé une place centrale dans l’histoire du quartier. Lors des deux révoltes des canuts, c’est par cette voie que les ouvriers de la soie, rassemblés derrière le drapeau noir, ont rejoint les Terreaux puis occupé l’Hôtel de Ville. Nous allons descendre nous aussi, mais seulement la partie supérieure de la rue, celle qui traverse un jardin arboré en onze volées de marches en pierre. Mais avant de se lancer dans les escaliers, un arrêt contemplatif s’impose sur l’esplanade pour savourer un des panoramas les plus photographiés de Lyon. La vue sur le vieux Lyon et la basilique de Fourvière est des plus féériques. Vous pouvez débarouler jusqu’à la rue Neyret. Les jours de pluie, attention, à vos appuis. La pierre, c’est joli, mais ça glisse !

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Cette montée est une passerelle entre les mondes. Une échelle de cordes rescapée des temps qui relie comme une ligne de vie la ville au pays des hauts.

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Montée Neyret+montée du Lieutenant Allouche

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La marche à suivre

A la première intersection, tournez à droite sur la rue Neyret. Puis bifurquez à nouveau à droite juste avant l’église du Bon Pasteur sur la montée Neyret. En haut, laissez-vous glisser à gauche quelques mètres et empruntez à droite la montée du Lieutenant Allouche. Face à vous des escaliers rejoignent la rue de l’Alma. C’est dans cette direction que nous allons.

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[box title=”Montée Neyret+montée du Lieutenant Allouche” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : rue de l’Alma
Point bas : rue Neyret
Nombre de marches : 258 (123+135)
Le + : une église privée d’escalier
Difficulté : 6/10[/box]
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C’est le genre d’anecdote insolite qui fait le charme du quartier. Avant de débuter l’ascension des escaliers de la montée Neyret, accordez-vous un instant pour observer la façade de l’église du Bon Pasteur. Rien ne vous choque ? Où se trouve l’escalier qui mène à la porte principale située à plus de trois mètres de hauteur ? Il n’a tout simplement jamais existé. Le projet imaginé dans les années 1860 prévoyait la destruction d’une caserne faisant face à l’édifice. Mais guerre de 70 oblige, le chantier est retardé. Quand la construction débute enfin, la jeune et farouchement laïque IIIe République refuse de procéder à la démolition du bâtiment militaire. Le portail frontal restera inaccessible. Ironie du sort, toutes les issues de l’église, de longue date fermée au culte, sont aujourd’hui condamnées. L’escalier qui nous intéresse, lui, longe  l’édifice décrépit. Il est court mais escarpé. Au sommet, un léger faux plat descendant vous accorde un moment de répit avant d’embrayer sur le très abrupt escalier de la montée du Lieutenant Allouche. Après deux lacets serrés au pied d’un imposant mur de soutènement, celui-ci trace tout droit jusqu’à la rue de l’Alma.
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Cette affaire d’escalier manquant fait partie de ces petites histoires, pépites de la grande, qui au détour d’un bâtiment anodin vous plonge au coeur de l’intrigue d’une fable ou d’un roman.

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Montée de Vauzelles

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La marche à suivre

Tournez à gauche sur la rue de l’Alma. Juste avant qu’elle ne forme un coude, empruntez à gauche toujours, la montée de Vauzelles, à la descente.

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[box title=”Montée de Vauzelles” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”]Point haut : rue de l’Alma
Point bas : rue du Bon Pasteur
Nombre de marches : 187
Le + : un passage romantique avec vue sur Fourvière
Difficulté : 5/10[/box]
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La végétation qui déborde des murs de ce couloir étroit laisse deviner que de paisibles jardins s’étendent à l’abri des regards. Par endroit, les branches en se rejoignant à l’aplomb du passage forment une voute naturelle du plus bel effet. Les supports en fer forgé des réverbères et surtout la perspective resserrée sur la basilique de Fourvière ajoutent une touche de romantisme à l’atmosphère des lieux. Une rigole assez large longe le tronçon principal de l’escalier composé de marches profondes et relativement basses. A la descente, on trouve facilement sa cadence sur cette portion. Les 50 dernières marches sont plus ramassées et il faut raccourcir sa foulée. En sens inverse, le changement de rythme imposé par la taille des marches peut s’avérer difficile à négocier.
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Ce pourrait être le passage des poètes ou des amoureux. Un couloir oublié, abrité de la clameur de la ville par la frondaison, où l’inspiration naît le temps d’une courte descente.

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Rue Prunelle

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La marche à suivre

Rejoignez la place du Lieutenant Morel, face à vous, et tournez à droite dans la rue des Chartreux. A la première intersection, descendez à gauche dans la rue Ornano. La courte rue Prunelle débute à hauteur du bâtiment des bains douches municipaux.

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[box title=”Rue Prunelle” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”] Point haut : rue Ornano
Point bas : Place Rouville
Nombre de marches : 48
Le + : un exemple de Stair’art
Difficulté : 2/10[/box]
[box title=”” align=”left”]

Le Stair’art, vous connaissez ? Un passage par l’escalier de la méconnue rue Prunelle vous éclairera sur ce concept particulièrement en vogue en Amérique du Sud. Les quatre volées de marches de la courte descente ont en effet servi de support à des artistes d’un jour qui ont revisité pinceau en main le célèbre motif jacquard. Résultat une fresque bigarrée qui redonne de la couleur au quartier. A l’origine de ce projet, un directeur artistique riverain de l’escalier qui a fait appel aux bonnes volontés du quartier.
Sans cette initiative, cet escalier de moins de 50 marches n’aurait sans doute pas figuré dans cette sélection. A la montée comme à la descente, il ne présente aucune difficulté notable. En dévalant les marches attention, toutefois, à l’effet d’optique déstabilisant induit par les changements répétés de couleur des rectangles composant la fresque. Avant de quitter le site, n’oubliez pas de jeter un oeil à une autre curiosité, architecturale cette fois : la maison Brunet dite maison aux 365 fenêtres. Cet imposant bâtiment, archétype du style canut, atelier puis forteresse des ouvriers de la soie durant les révoltes de 1831 et 1834, compterait en effet autant de fenêtre que de jours dans l’année. Quant à ses 52 logements initiaux et ses 7 étages, ils rappellent étrangement le nombre de semaines annuels et celui des jours de la semaine.
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L’art est omniprésent sur les murs de la Croix-Rousse. Tags, fresques, collages… Le quartier peut se visiter comme une galerie. Ici, l’escalier a servi de support à la créativité des riverains.

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Rue de la Muette

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La marche à suivre

Bifurquez à droite sur la place Rouville et grimpez en pente douce en direction du cours du Général Giraud, en contemplant la vue dégagée sur Fourvière. Pénétrez dans le parc des Chartreux par la première entrée sur votre gauche. Tracez tout droit sur l’impasse Gonin, une rampe tortueuse qui plonge dans la végétation. Le passage compte quelques marches sur la fin, mais pas suffisamment pour être décrit en détails ici. Vous voici en bord de Saône. Prenez à droite sur le quais StVincent sur environ 500 mètres. Engagez-vous, à droite à nouveau, dans la rue de la Muette.

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[box title=”Rue de la Muette” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”] Point haut : Cours Général Giraud
Point bas : Quai St Vincent
Nombre de marches : 260
Le + : un couloir tortueux avec vue sur Fourvière
Difficulté : 6/10[/box]
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Il semble bien embrouillé et indécis ce passage tortueux qui s’élève depuis la Saône en enchaînant les angles droits, les coudes et les revirements soudains. Même les marches, comme si elles doutaient du bien fondé de grimper le contrefort de la colline, paraissent désordonnées. Courtes et plutôt élevées dans la première section, elles hésitent ensuite, se tassent, traînent en longueur. Et finalement, alors que le sommet se dessine, elles se contractent à nouveau et imposent au coureur un effort supplémentaire pour s’arracher au relief. Ce profil atypique tout en virages et en variations de la déclivité fait de cette ascension un exercice à part durant lequel il faudra maîtriser les changements d’allure. A la descente, prenez garde à ne pas vous encastrer dans un mur en négociant les angles resserrés du dernier tronçon. Bordé par un pittoresque jardin partagé, cet escalier à l’écart des habitations offre dans sa partie supérieure très arborée une vue magnifique sur la colline de Fourvière. Reprenez votre souffle en admirant la basilique et la tour métallique. Les moins lucides garderont une main sur la rampe !
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Elle semble tout mettre en oeuvre pour déboussoler ses prétendants, cette montée atypique. Elle vire, s’allonge, se contorsionne comme une courtisane qui s’est promis de rester inaccessible.

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Montée de la Butte

[icon icon=”map-marker”]

La marche à suivre

Tournez à gauche sur le cours du Général Giraud. Longez le balcon avant de plonger, toujours à gauche, sur la montée de la Butte. Après un petit parc, elle forme à gauche, un angle droit à hauteur du fort Saint-Jean. Suivez le mur de l’édifice jusqu’à l’escalier que nous allons emprunter.

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[box title=”Montée de la Butte” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”] Point haut : Montée de la Butte
Point bas : Montée de la Butte
Nombre de marches : 101
Le + : de profondes marches le long du fort StJean
Difficulté : 5/10[/box]
[box title=”” align=”left”]

Cet escalier fait office de raccourci bucolique entre deux lacets de la montée de la Butte. Les marches en béton, particulièrement profondes, se précipitent dans la pente au milieu du lierre touffu. Pour les avaler deux par deux, il faudra allonger considérablement la foulée. Un bon exercice de dynamisme. De même, à la montée, il sera nécessaire d’avoir du ressort pour caler son pas sur les dimensions inhabituelles des marches.
A travers les grillages envahis par la végétation, on pourra apercevoir le promontoire naturel, rocher vertical et saillant, qui sert de reposoir au fort Saint-Jean. Depuis cet emplacement privilégié, l’édifice domine la Saône de 40 mètres. Construit au XVIe siècle pour verrouiller le rempart de la Croix-Rousse à l’ouest — à l’autre extrémité de la muraille, surplombant le Rhône, on trouve le fort Saint-Laurent, aperçu au début de cet itinéraire — le bâtiment n’a, lui aussi, hérité de sa physionomie actuelle que dans les années 1830, lors de l’aménagement de la grande enceinte défensive de Lyon. Ses installations comprenaient casernes et réfectoires, casemates, dépôts de munitions et souterrain.  Réhabilité dans les années 2000, le fort accueille aujourd’hui l’Ecole nationale des contrôleurs des finances publiques.
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Il faut allonger la foulée pour suivre le rythme effréné de cet escalier qui se précipite vers la Saône au milieu d’un écrin de lierre touffu, laissant derrière lui près de cinq siècles d’histoire.

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Montée Hoche

[icon icon=”map-marker”]

La marche à suivre

Descendez les derniers lacets de la montée de la Butte pour rejoindre le quai Saint-Vincent. Remontez la Saône jusqu’à trouver sur votre droite, peu après le pont Koenig, les premières marches de la montée Hoche.

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[box title=”Montée Hoche” bg_color=”#ace0bb” icon=”thumb-tack” icon_style=”border” icon_shape=”circle” align=”center”] Point haut : boulevard de la Croix-Rousse
Point bas : quai St Vincent
Nombre de marches : 216
Le + : les marches de l’empereur
Difficulté : 5/10[/box]
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Gonflez la poitrine et gardez le regard fier dans cette ultime montée, vous mettez vos runnings dans les pas de Napoléon ou plutôt dans ceux de son cheval ! Si l’événement peut paraître anecdotique, une plaque au pied de l’escalier commémore le passage dans cette ruelle, aujourd’hui presque oubliée, de l’empereur des français le 25 germinal de l’an 13, comprenez le 15 avril 1805. Dix avant de déclarer sa flamme à la capitale des Gaules par un “Lyonnais je vous aime”, resté dans l’histoire, Napoléon et l’impératrice sont en voyage officiel à Lyon. Ce jour-là, accompagné d’une petite escorte, il se rend à la Croix-Rousse pour visiter, semble-t-il, des ateliers canuts.
Les premières marches de cet escalier qui marque la limite entre le 1er et le 4e arrondissement serpentent sous la végétation. Basses et rapprochées, elles se négocient aisément en petites foulées. Puis un raidard rectiligne qui semble ne jamais vouloir s’arrêter se dessine sous le rempart du fort Saint-Jean. Les marches s’allongent et il faut redoubler d’effort pour continuer à les gravir deux par deux. Au sommet, à droite, l’escalier se mue en une rampe fortement inclinée. Continuez votre ascension jusqu’au boulevard de la Croix-Rousse. Il ne vous reste plus qu’à le remonter intégralement sur 1,6 km pour retrouver le Gros-Caillou et offrir à vos cuisses endolories le repos qu’elles méritent.

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Pour finir en fanfare offrons-nous une montée stricte et exigeante, un escalier de caractère, droit et rude, offrons-nous une ascension royale, mieux, offrons-nous les marches de l’empereur !

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Bonus : l'escalier caché !

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A croire qu’une malédiction s’est abattue sur ce passage isolé et exigüe qui plonge sur la Saône. A l’origine de la triste réputation de la rue Niépce, dans le 4e, un tragique fait-divers. En 1993, le corps d’une lycéenne de 17 ans est retrouvé sous des branchages. Jusqu’à présent, son meurtrier n’a pas été identifié. Depuis ce drame, semble-t-il, l’escalier est interdit au public. C’est en tout cas l’explication donnée par la ville de Lyon. Laissé à l’abandon, le passage se dégrade. Une première restauration est mise en oeuvre en 2009. Mais peu de temps avant la réouverture de la ruelle, un violent orage détruit les canalisations d’eau potable. Si le réseau a été rapidement réhabilité par la suite, l’éclairage public et les marches n’ont jamais connu le même traitement. L’escalier n’est plus qu’un long plan incliné en ciment, toujours interdit au public pour raison de sécurité. Aucune date de réouverture n’est prévue, en revanche, la mairie assure travailler actuellement à la mise en place des liaisons plateaux/Saône sur d’autres lieux et passages. Bref, il faudra sans doute patienter encore longtemps avant que cette montée peu ordinaire n’apparaisse sur Strava !

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NB : effectué par mes soins avec parfois une lucidité défaillante (enchaînement des montées oblige) le décompte des marches peut comporter une marge d’erreur que j’espère négligeable. N’hésitez pas à me signaler en commentaire d’éventuelles aberrations de calcul et indiquez votre escalier préféré !

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17 Comments

  • Farge dit :

    Magnifiques photos et super article 🙂

  • Christophe dit :

    J’imagine que tu réserves la difficulté 10/10 pour le prochain article sur les marches de Fourvière avec l’enchaînement des deux escaliers de la Sarra? 🙂

  • DUVAL dit :

    Avons testé ce jour avec une amie ce magnifique parcours; bon il nous a juste fallu un peu plus de temps 🙂
    Merci Olivier pour cette sélection c’est vraiment une jolie découverte de notre ville avec des points de vue magnifiques !!
    Nous reviendrons c’est sûr !

    • Olivier Godin dit :

      Merci beaucoup pour le retour. Ravi que le parcours vous ait plu. Au plaisir de se croiser sur les pentes de la Croix-Rousse 😉

  • Delphine dit :

    Genial cette sortie escaliers decouverte de la croix rousse! je suis nouvelle a Lyon et j ai adore explorer une des collines de Lyon en courant avec des vues superbes et du street art tres sympa. Merci de partager. Me tarde la version Fourviere 😃 happy running!

    • Olivier Godin dit :

      Merci Delphine ! Le temps me file entre les doigts en ce moment, mais la version Fourvière est toujours dans les cartons. Stay tuned 😉

  • FONTAINE G. dit :

    Concernant les immeuble de la rue Adamoli angle rue Bodin, ils ont été démolis en 1963 pour devenir un jardin public.
    Une des raisons de leur démolition étaient le risque d’effondrement due aux galeries creusées à la demande de l’abbesse du couvent des Collinettes,devenue depuis la résidence Villmanzy. Ces travaux avaient pour objet de rechercher des sources d’eau pendant une sécheresse au 18° siècle. (photo non joignable)

  • CAVALLIER dit :

    tous ça est trop génial ! tout est très bien expliqué, abordable par tout le monde. J’ai 73 ans et sors d’une double fracture de cheville avec complications. Il faut également refaire un mollet fondu suite aux longues immobilisations. je ne cours pas mais pour me rééduquer j’ai trouvé ce mode, gravir les escaliers de Fourvière et de la Croix-rousse. C’est gratuit et en plus de l’entrainement on s’instruit, on découvre, etc..
    merci pour ces explications et détails

    • Olivier Godin dit :

      Merci pour votre message Denise. Ravi que l’article vous plaise et qu’il soit bénéfique à votre rééducation. Je vous souhaite un bon rétablissement et plein de belles ascensions des escaliers de la Croix-Rousse. Au plaisir de s’y croiser à notre retour à Lyon, en juin.

  • CAVALLIER DENISE dit :

    merci pour toutes ces belles descriptions très utiles, très bien gérées. suite à un accident, après plusieurs années d’inactivité, je peux faire,en partie, moi-même ma rééducation en gravissant ces quelques marches (!)….malgré mon âge avancé.Après l’effort le réconfort avec les vues chaque fois superbes et les infos que vous données. Inutile d’aller s’enfermer dans une salle de sport

  • maxime dit :

    Bonjour Olivier, merci pour ce parcours. Je vais m’y atteler ce week-end ! As-tu fais le même pour Fourvière ou pas encore ?

    • Olivier Godin dit :

      Hello Maxime,
      J’ignore pourquoi mais ton message n’apparaissait pas jusqu’à lors sur mon tableau de bord. Toutes mes excuses donc pour le délai de réponse. Je n’ai malheureusement pas encore pris le temps de faire la même chose pour Fourvière, mais c’est toujours en projet !
      Au plaisir de te croiser dans Lyon !

  • Fauries dit :

    Super !
    On l’a fait en mode Rando donc niveau temps, rien à voir 😂
    C’était super, à part une petite erreur de notre part au niveau du parc des Chartreux.
    Merci pour le partage, y a t il eu un partage sur fourviere ?

    • Olivier Godin dit :

      Vraiment ravi que ce parcours vous ait plu ! Je n’ai malheureusement pas encore pris le temps de rédiger le volume 2 sur Fourvière, mais je n’ai pas abandonné l’idée ! Au plaisir de se croiser dans Lyon 😉

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