PMR#3 : notre cabane au Canada

Au même titre que l’île déserte, la cabane isolée au coeur de la forêt occupe une place de choix dans notre imaginaire. Elle incarne une forme de retour aux sources, de dénuement libérateur, qui renvoie l’homme à sa condition originelle. Plus encore, elle offre un voyage en enfance, car c’est bien là, à l’occasion de la lecture des premiers romans d’aventure, que s’ébauche ce fantasme peuplé de trappeurs et de coureurs des bois. La piste, par le plus grand des hasards, nous a donné l’opportunité de vivre ce rêve de gamin quelque part loin de tout en Alberta, au Canada.

Pour apprécier la cabane à sa juste valeur, il faut avoir vécu l’errance. Dans cet assemblage de rondins, il n’est question de chaleur et de confort que pour celui qui a expérimenté les affres de la piste, supporté la poussière, puis l’averse, connu les variations d’humeur de la pente, piétiné la boue et la rocaille. Alors elle devient un havre dans la forêt tentaculaire, une bulle suspendue à l’écart du monde et paradoxalement le point névralgique de votre univers réduit à l’essentiel, le centre de tout.

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Le chemin ne nous a pas ménagés jusqu’ici. Péniblement, il a fallu pousser nos montures comme on bat la croupe d’un mulet récalcitrant, traverser des torrents glacés, s’époumoner sur les flancs de montagnes trop hautes et escarpées.

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Elle est apparue comme par enchantement au sortir d’une courbe, à l’aplomb d’une rivière cristalline, sans que notre carte imprécise ne daigne nous l’annoncer. Une surprise salvatrice, quatre murs en bois, un toit et une cheminée, la promesse d’un doux repos au milieu de nulle part. On a poussé la porte sans trop y croire, curieux de découvrir ce que l’unique pièce renfermait et fébriles à l’idée de pénétrer chez quelqu’un.

Si la cabane était habitée, ce n’était pas par un homme, mais par des dizaines

Le subtil mélange des odeurs du pin et de la braise nous a saisi les narines et nous avons vu. Le lit superposé, le poêle, le petit bureau baigné par la lumière du jour, la lanterne, les casseroles couvertes de suie et même des photos encadrées de wapitis aux bois démesurés. Toutes les apparences semblaient signifier que l’endroit était la propriété d’un chasseur ou un ermite, mais il ne l’était pas. Si la cabane était habitée, ce n’était pas par un homme, mais par des dizaines, des voyageurs de passage, des amateurs de traque à l’arc ou à l’arbalète qui avaient pris soin des lieux le temps de quelques nuits comme ils l’auraient fait de leur propre maison. On s’est installés ravis à l’idée d’échapper pour une fois aux contingences laborieuses du bivouac et en quelques instants nous étions chez nous.

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Alors tandis que notre condition de nomades s’effaçait, l’inévitable mécanisme de la civilisation s’est mis en branle, celui qui tend à ordonner le choses, à explorer l’espace pour en recenser les ressources, à commencer à les exploiter pour améliorer notre sort. Créature démunie sans griffes, sans crocs, sans fourrure, l’homme ne peut que miser sur son intelligence et sa capacité à tirer partie de la nature. C’est l’équation de sa survie et, insatiable qu’il est, c’est sa perte. J’ai sorti ma hache et j’ai usé ma paume tendre de citadin jusqu’au sang pour débiter quelques bûches sur des troncs d’arbres morts.

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Tandis qu’Adeline s’affairait au pied du poêle capricieux, j’ai été puiser de l’eau dans le courant de la rivière. Nous avions étanché notre soif et nous avions chaud. Nous étions bien et naturellement l’idée nous est venue de rester. Une journée de plus et pourquoi pas deux ? La tentation de la cabane, la perspective chaleureuse du foyer, l’envie de s’établir semblaient crépiter avec le feu.

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La musique ensorceleuse de la solitude caressait également nos oreilles. Puisque le monde ne nous regardait pas, notre ego affichait ses caprices. Il ne nous voulait rien que nous trois, seuls au monde, à se suffire à nous-mêmes. Nous lui avons cédé une journée. Le pas feutré des souris a bercé notre nuit. Pour que le tableau soit complet, que le rêve se mêle à la réalité, nous avons cuisiné des crêpes en guise de petit-déjeuner.

Axel nous sentait heureux. Il l’était lui aussi.

Devant une tasse de thé fumant, nous avons noirci quelques pages de nos carnets en levant régulièrement le regard vers la montagne pour chercher l’inspiration. Un lièvre a batifolé un instant sous notre fenêtre, puis nous avons pris place dehors sur l’herbe humide pour prendre pleinement conscience de la valeur de ce moment. Axel nous sentait heureux. Il l’était lui aussi.

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On a senti qu’il fallait partir

Il rampait, gazouillait, caressait les fleurs. Il a fait une sieste à l’ombre. On a vécu notre journée sans se soucier du lendemain, bien à l’aise dans la carte postale. Le soir, on a retrouvé nos lits avec plaisir, mais déjà pointait le contrecoup de l’habitude. Une nouvelle fournée de crêpes n’aurait pas eu la même saveur. On a senti qu’il fallait partir. Aux premières lueurs de l’aube, un grand mâle wapiti nous a invités à le suivre. Alors, on a repris la route. Pour apprécier la cabane à sa juste valeur, il faut vivre l’errance.

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Infos pratiques

Vous êtes tenté par l’aventure ? Voici quelques astuces maison pour donner vie à votre rêve de cabane.

Où trouver une cabane ? : nous en avons croisé plusieurs en Alberta et en Colombie-Britannique. Elles sont généralement indiquées sur les cartes sous le terme cabin. La plupart se trouve sur des secteurs isolés, accessibles à vélo, à pied si vous êtes prêt à parcourir de grandes distances. En voiture, il est généralement préférable de disposer d’un 4X4 pour les rejoindre.
Où se trouve celle où nous avons séjourné ? C’est un secret, mais puisque c’est vous, voici quelques pistes. Elle se nomme Tobermory et se situe du côté d’Elkford, en Colombie-Britannique.

Les règles de la cabane : elles sont accessibles gratuitement selon la règle du premier arrivé, premier servi. Il est possible d’y rester 14 jours consécutifs. Ensuite, il convient de laisser sa place aux autres. Le site est entretenu par les usagers. Utilisez ce qui vous est strictement nécessaire, remportez vos déchets et bien sûr laissez l’endroit dans lequel vous l’avez trouvé (ou mieux en passant un coup de balai ou en complétant l’équipement du site avec des bougies par exemple).

Gare aux souris ! : si vous pouvez conserver vos réserves de nourriture à l’intérieur de la cabane (elle se verrouille de l’intérieur), prenez garde à les stocker dans des sacoches ou compartiments hermétiques. Ici le risque ne vient pas des ours, mais des souris qui parfois pullulent à l’intérieur. Attention, les matelas sont parfois tapissés de crottes. A vous de faire le ménage !

Que trouve-t-on dans les cabanes ? : l’équipement varie d’une cabane à l’autre mais, en général, on trouve un poêle à bois, des bougies ou une lanterne (pas d’électricité bien sûr), des toilettes dans un cabanon à l’extérieur, deux voire trois lits ou matelas, quelques ustensiles de cuisine, des chaises, une table. Pour l’approvisionnement en eau, la rivière n’est jamais loin !

5 trucs à emporter avec vous pour un séjour parfait :

  • un filtre pour traiter l’eau. Nous préférons prendre cette précaution en particulier avec notre bébé. Nous utilisons un préfiltre ainsi qu’un Stéripen (traitement par UV).
  • Une hachette pour couper du bois pour le feu.
  • Des allumettes et vieux journaux pour allumer votre feu plus facilement.
  • Un sac de couchage. Si vous trouverez en général des matelas, il n’y a pas de couverture. Attention, lorsque le poêle s’éteint, il peut faire froid.
  • De la pâte à crêpes en sachet, histoire d’agrémenter votre séjour de quelques petites douceurs. Fonctionne également avec une grille pour faire frire des saucisses ou avec des chamallows, selon les goûts.

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